Il nous paraissait important de revenir brièvement sur le phénomène de la 2ème quinzaine de novembre. Le but n’est pas de faire une analyse du film qui s’est auto-proclamé documentaire, mais d’apporter une analyse syndicale des causes et conséquences de ce type de productions.
L’origine du mal
Ce n’est plus un secret pour personne, la défiance à l’égard de l’état et de nos dirigeants est désormais bien installée. De lois injustes en application injuste et arbitraire de l’autorité, le pouvoir ne fait plus l’adhésion. Les mensonges gouvernementaux de ces derniers mois à propos de la crise sanitaire n’ont fait que conforter chacun dans sa méfiance au pouvoir. Se rendant complice des propagandes gouvernementales, la presse devient également objet de méfiance. Mais chacun, plongé dans un nouveau monde anxiogène où tout ce que nous connaissions est remis en cause, cherche des réponses et des responsables. Quoi de plus normal, on a peur de perdre sa santé, perdre son travail, perdre ses proches, on a peur du réchauffement climatique et du manque d’eau potable, on a peur des terrorismes en tous genres et rien n’est fait, ni de la part de ceux qui gouvernent le pays, ni dans les médias pour rassurer.
Des réponses simples à trouver seul ?
C’est pourquoi ce type de production tend à flatter les égos. Se basant en partie sur du factuel, connu de tous, ces vidéos (pour la plupart, notamment sur les médias en ligne), se basent sur du suggestif, pratiquant la maïeutique pour laisser croire à l’audience que la solution vient d’eux. Hyper flatteur dans un moment où personne ne comprend plus rien, si on se retrouve en avant-première en possession de la vérité. Et après avoir enfin trouvé les réponses, il nous apparaît comme un devoir de diffuser la vérité, d’autant que la plupart de ces vidéos sont titrées : « à diffuser largement avant censure ». C’est exactement ce qu’il s’est passé pour HOLD UP. Sur la boîte mail FSU, nous avons reçu 3 mails en 2 jours nous invitant tantôt à regarder et diffuser le film, puis nous avertissant de sa censure sur les sites puis nous donnant un nouveau lien. J’ai fini par répondre ceci :
« Non merci nous sommes une organisation de luttes sociales nous ne croyons pas à la fatalité de l’oligarchie. Eluard disait le désespoir est contagieux, merci de ne pas couper les aspirations révolutionnaires des populations. »
Ce qui a donné suite à un nouveau mail de même nature que les précédents.
L’ennemi imaginaire qui disculpe les coupables
Les vidéos complotistes sont souvent issues de l’extrême droite. De nombreux sites ou pages facebook tentent de « débunker » ces théories farfelues allant de la terre plate au génocide organisé. Le vidéaste de HOLD UP, est bien connu pour la couverture journalistique militante de la « manif pour tous » mais également pour sa production « M et le 3ème secret » qui « révèle un complot mondial communiste et maçonnique. Si politiquement il appartient à chacun de se faire son opinion de ce qui est ou non acceptable, il est pourtant important de faire une analyse syndicale de l’impact que ce genre de vidéos peut avoir sur les populations.
Généralement, toutes les vidéos complotistes se terminent de la même manière : nos dirigeants seraient des marionnettes dont les ficelles seraient tirées par les gros milliardaires du globe. Ennemi hors de portée, donc.
Et voilà le cœur du danger quand on porte des luttes sociales et politiques. En effet, si finalement les responsables politiques ne sont pas maîtres de leur choix, que reste-t-il comme contre-pouvoir organisable ? La lutte des classes s’est toujours organisée de trois manières, sur les lieux de travail dans la rue et enfin dans les urnes. Il devient de plus en plus difficile de mobiliser sur les lieux de travail, y compris dans le monde ouvrier, du fait du morcèlement du monde du travail et le recours par le patronat à une massification de travailleurs précaires, régis par différents statuts, ce qui ne favorisent aucunement les organisations de salariés.
La rue, de son côté, a vu les mobilisations de ces dernières années être durement réprimées, avec des policiers usant et abusant de violences, n’hésitant pas à aller jusqu’à la mutilation. La loi sécurité globale ne sera pas de nature à inciter le peuple à s’emparer de cette agora publique dans les mois et les années qui viennent.
Et à quoi bon, après tout, si les instigateurs de la misère sociale sont tellement inatteignables ?
Reste la résistance par les urnes. Mais là encore, on sent bien les effets pervers de la déculpabilisation de nos dirigeants politiques, marionnettes de puissants hors d’atteinte, sont malheureusement bien visibles par les taux d’abstention record sur les derniers scrutins.
Pour résumer, pour quoi et contre qui, nous mobiliserions-nous, si les responsables qui nous gouvernent ne sont finalement responsables de rien ?
Il faut raison garder
La situation sociale, sanitaire, économique, écologique et maintenant les libertés individuelles et collectives sont toutes attaquées et de plus en plus durement depuis maintenant plusieurs années. La situation globale est tellement aberrante, les injustices sociales si grandes, que nous avons du mal à concevoir que nos dirigeants puissent en être les responsables, ce qui est effrayant. Et la peur, a historiquement toujours tourné l’humain vers des croyances quand on privait ce dernier d’explication de phénomène.
Notre devoir d’organisation syndicale est avant tout de remettre le peuple au centre des possibilités d’organisation dans l’unité d’action. Céder à la confortable « de toute façon, on ne peut rien faire » ne saurait faire honneur à plusieurs siècles de lutte des classes, qui a, et ce n’est pas inutile de le rappeler, par le biais de nombreux combats menés y compris par les syndicats, réussi à arracher à nos dirigeants des acquis dont nous bénéficions encore aujourd’hui.